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Le docteur Abdoulaye Leye, endocrinologue, diabétologue, chef du service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition de l’hôpital de Pikine a répondu à nos questions sur les maladies thyroïdiennes notamment le goitre qui est la plus connue. Dans cet entretien, Professeur Lèye fait un diagnostic exhaustif de la pathologie. 

Le 25 de ce mois sera célébrée la journée mondiale des maladies de la thyroïde. Quand on parle de thyroïde, qu’est-ce qu’il faut comprendre en réalité ?

Parler des maladies de la thyroïde, c’est parler de tous les dysfonctionnements qui intéressent cet organe qui est unique, médian, situé à la base du cou, qui est à l’origine d’une sécrétion d’hormones. Des thyroïdiennes occupent une place très importante dans le fonctionnement de tout l’organisme au quotidien.

Et on parle des maladies, ça veut dire qu’il y a plusieurs maladies de la thyroïde ?

Oui ! La thyroïde en tant qu’organe peut être affectée dans sa structure, dans sa taille, mais également dans son fonctionnement par divers mécanismes. Si on parle d’anomalies structurales ou morphologiques, l’anomalie la plus commune, c’est l’augmentation de la taille, ce qu’on appelle le goitre. Donc, une augmentation de volume de la glande thyroïde qui normalement n’est ni visible ni palpable chez l’individu, fait parler de goitre. Alors le terme goitre ne renvoie qu’au volume, qu’à l’augmentation de taille. Maintenant, au plan structurel, on peut avoir un goitre associé à des nodules, c’est-à-dire qu’à l’intérieur de la thyroïde, il y a des boules. Ce qu’on appelle des nodules qui sont des formations arrondies généralement pouvant être bénignes ou malignes. Donc à chaque fois qu’on parle de nodules thyroïdiens, on a la hantise du cancer de la thyroïde. Ça c’est essentiellement ce qui concerne la taille et la structure. Maintenant au plan fonctionnel, une thyroïde peut être grosse ou petite et fonctionner normalement.

 On parle de thyroïdie. Mais surtout la thyroïde peut ne pas bien fonctionner. Ne pas sécréter suffisamment d’hormones thyroïdiennes. On parle d’hypothyroïdie comme hypotension pour une tension basse. Ici on dit hypothyroïdie parce qu’il y a des taux d’hormones circulantes, le taux est bas. A contrario, on peut avoir un excès de fonctionnement avec une sécrétion trop importante d’hormones thyroïdiennes. Ce qu’on appelle l’hyperthyroïdie.

 Par analogie à l’hypertension, l’excès d’hormones thyroïdiennes donne l’hyperthyroïdie. C’est l’excès d’hormones thyroïdiennes circulantes sur tout l’organisme. Pour résumer au plan anatomique, au plan taille et structure, on a le goitre avec ou sans nodules. Et au plan fonctionnel, on a le fonctionnement normal qui est la thyroïdie. On a un fonctionnement insuffisant qui est l’hypothyroïdie. Et le fonctionnement excessif qui est l’hyperthyroïdie. Et on a différentes combinaisons de goitres ou non, de nodules ou non. L’hyper ou l’hypothyroïdie selon l’individu dont il faudra faire l’exploration pour savoir exactement de quelle maladie ou de quelle cause il s’agit par rapport à ce trouble qu’on aura diagnostiqué.

Et dans les deux cas, quand il s’agit d’hypothyroïdie ou d’hyperthyroïdie, quelle est la solution pour réguler ?

C’est simple et logique. Dans l’hypothyroïdie, il manque les hormones thyroïdiennes. Donc on amène ça par le médicament. C’est relativement simple. Dans l’hyperthyroïdie, c’est un peu plus compliqué. Il y a un excès d’hormones thyroïdiennes. En conséquence, il faudrait où freiner la sécrétion de cette hormone par la glande avec ce qu’on appelle des comprimés antithyroïdiens de synthèse. Ou alors l’opérer, enlever. Ou bien faire ce qu’on appelle l’iode radioactif qui est un mode de traitement pour détruire, si vous voulez, la glande thyroïde. Donc on y ajoutera effectivement la cause de cette maladie. Si on la connaît. Pour que justement le fonctionnement soit normal.

 Et quelles sont ces causes-là ?

Alors, pour les causes, on reprendra essentiellement les différentes catégories dont on a parlé. Je pense que si on veut dire quelle est la cause du goitre, la cause du goitre, l’augmentation de volume, il est variable. Dépendant de l’étude, ça s’appelle de l’hypo ou de l’hyperthyroïdie. Quand on dit la cause du nodule, les nodules comme toutes les tumeurs, on n’en connaît pas la cause. On n’en connaît même pas le facteur favorisant. On sait peut-être que ça existe dans des familles plus fréquemment que dans d’autres. Maintenant, si on prend l’hypothyroïdie. L’hypothyroïdie est le défaut de fonctionnement de la glande thyroïde où les hormones thyroïdiennes sont insuffisantes. Et où on constate chez l’individu qu’il y a de la constipation, de la fatigabilité, une paresse, de l’hypersomnie, il dort beaucoup, de la constipation, la peau qui est épaisse, les cheveux qui chutent, etc. Tous ces signes d’hypothyroïdie, d’hypométabolisme associés ou non à un goitre peuvent être liés à trois causes essentiellement. La première qui est la plus fréquente, c’est après qu’on ait opéré un individu et qu’on lui a enlevé toute la thyroïde. Si on ne lui donne pas les hormones thyroïdiennes, il fait une hypothyroïdie parce qu’il n’y a plus d’organe. Donc ça c’est la cause iatrogène qui est malheureusement la plus fréquente, mais qu’on peut prévenir facilement après avoir opéré, on donne les hormones.

Est-ce que la survenue de la maladie est liée à l’âge ? 

 Il y a cette hypothyroïdie qui est liée à l’âge, qu’on appelle l’atrophie thyroïdienne. Chez les sujets de plus de 50-60 ans, la thyroïde est comme un citron qui a vieilli, qui ne peut plus sécréter du jus. Et donc ça hypofonctionnelatrophie thyroïdienne est une cause aussi fréquente liée à l’âge. Et puis il y a une troisième cause qui est une cause auto-immune, qui est la destruction de la glande thyroïde par des anticorps antithyroperoxydase, qui sont des armes qui sont fabriquées par l’organisme et qui sont venues attaquer la thyroïde en l’invalidant. Donc ce qu’on appelle la maladie de Hashimoto, qui est une autre cause d’hypothyroïdie auto-humaine. On a ainsi trois catégories, ce ne sont pas les seules, trois catégories d’étiologie. De l’hypothyroïdie qui est iatrogène, liée à la chirurgie, qui est liée au vieillissement et une autre qui est liée aux infections auto-humaines. Certaines hypothyroïdies sont passagères, on a une inflammation aiguë, on a pris certains médicaments et donc on a une hypothyroïdie qui est transitoire, quelques jours, quelques semaines, quelques mois et tout rentre dans l’ordre. Maintenant si on prend l’hyperthyroïdie, l’hyperthyroïdie qui est cette situation où on a un excès d’hormones thyroïdiennes, dont le diagnostic est suspecté ou fait à la clinique, c’est un individu qui maigrit, qui maigrit. Il est très nerveux, il ne dort pas bien. C’est quelqu’un qui tremble, qui a tout le temps des sueurs, qui a aussi des chutes de cheveux, qui a de l’insomnie, qui a de la diarrhée motrice, qui a des palpitations, qui se fatigue très vite. Il peut perdre jusqu’à 25 kilos en l’espace d’un mois, deux mois, trois mois. Et chez qui, quand on fait des analyses sans se retrouver avec des hormones thyroïdiennes qui sont élevées, eh bien cette hyperthyroïde admet aussi plusieurs causes.

La cause la plus fréquente est la maladie de basedow du nom de celui qui l’a décrit pour la première fois et qui est caractérisée par la fabrication par l’organisme d’anticorps qui sont ici stimulants, d’anticorps anti-récepteurs de la TSH. Dans l’hypothyroïde de la maladie de Hashimoto, on avait dit qu’il y avait des anticorps anti-TPO, anti-opérosidase. Ici dans cette hyperthyroïdie, il y a des anticorps anti-TPO qui viennent stimuler la glande et qui vont s’accompagner des yeux qui sortent qu’on appelle l’exophtalmie, mais également d’un goitre qui est volumineux, vasculaire et quelques signes cutanés. Cette maladie de basedow qui est la cause la plus fréquente qui neuf fois sur dix atteint la femme liée à une maladie auto-immune et donc l’étiologie la plus fréquemment rencontrée dans les hyperthyroïdies. Maintenant, on peut faire une hyperthyroïdie sans que ça ne soit lié à la maladie de Basedow

 Le sujet n’a pas d’exophtalmie, les yeux sont dans l’orbite de taille normale, mais il a un goitre avec des nodules par exemple, un ou plusieurs nodules. C’est ce qu’on appelle les goitres nodulaires toxiques. Et ces goitres nodulaires, ont une fréquence qui est variable, mais viennent après la maladie de Basedow. Et puis il y a d’autres causes d’hyperthyroïdie aussi qui sont liées à de l’inflammation, qui sont liées à un excès d’apport, par exemple, diodes. Des causes plus rares qui peuvent exister et pour lesquelles, il faut, comme pour tous les patients qui viennent, une fois que l’hyperthyroïdie est suspectée, on fait un ensemble d’explorations pour savoir c’est exactement quelle étiologie, quelle cause d’hyperthyroïdie pour pouvoir adresser le traitement qui s’y est. D’accord. Et par rapport à ce traitement, vous avez fait allusion tout à l’heure à une intervention chirurgicale.

Vous procédez à une ablation totale, souvent….

Oui !

 Est-ce qu’il y a souvent des cas de récidive ?

Disons qu’il y a plusieurs façons d’opérer la thyroïde, mais grosso modo, on dira qu’on peut enlever toute la thyroïde, c’est ce qu’on appelle la thyroïdectomie totale. Quand on enlève tout, il n’y a pas de risque de récidive puisqu’on a tout enlevé.Par contre, il y a une autre modalité chirurgicale qui est la thyroïdectomie partielle, c’est-à-dire qu’on n’enlève pas toute la thyroïde. On enlève une partie et on laisse l’autre partie pour que le traitement soit plus rapide. Et que le sujet puisse vivre normalement avec cette partie. Évidemment, cette partie-là peut regrossir et puis un autre goitre, une hyperthyroïdie peut survenir, ce qu’on appellerait la récidive. Ce qui fait que maintenant, de plus en plus, les chirurgiens font sur la thyroïde un seul voyage. Ils partent pour enlever le tout une bonne fois plutôt que de laisser une partie qui, après 5 ans, 10 ans, peut revenir et puis entraîner une autre intervention chirurgicale pour totaliser.

Et quand on enlève la thyroïde, qu’est-ce qu’il faut pour remplacer ces hormones que l’organe secrète ?

Oui, ce sont les hormones thyroïdiennes. En fait, la thyroïde secrète, la T3 et la T4, ce qu’on appelle la tétraiodonutironine et la triiodotironine, en réalité, ils sécrètent essentiellement de la T4, la lévothyroxine, donc qui est synthétisée et qui est vendue en pharmacie de façon très rapide. Donc, c’est une dose très abordable que l’on va devoir prendre tous les matins, tous les matins, la dose qu’il faut pour fonctionner normalement, comme si c’est la thyroïde qui faisait le travail.

Et vous avez fait allusion à un lien entre la thyroïde et le cancer…Est-ce que c’est fréquent ?

Alors, le cancer thyroïdien est évoqué généralement lorsqu’il existe un nodule dans la thyroïde. Un nodule, c’est comme avoir, si vous voulez, une orange et à l’intérieur avoir une graine d’arachide. Si on retrouve une graine d’arachide à l’intérieur de l’orange, cette graine d’arachide, c’est ce qu’on appelle le nodule. Donc, quand on a des petites boules comme ça à l’intérieur de la glande thyroïde, ce n’est pas leur place, on a la hantise du cancer. Donc, les nodules sont très fréquents. Par contre, c’est moins de 1% ou 2% des nodules qui sont en réalité des cancers. Mais on ne peut le savoir que si on fait des examens d’échographie et des examens sanguins du site de pension pour savoir si c’est un cancer ou pas. Si le diagnostic est fait tôt et que la chirurgie est pratiquée, avec éventuellement une radiothérapie, ça guérit. Ça dépend du type historique. Ça guérit, ça ne récidive pas. Maintenant, si c’est vu tard, tardivement, et qu’il y avait déjà des ganglions, que ça a dépassé un tout petit peu la thyroïde, évidemment, c’est un peu plus aléatoire le traitement. On peut diminuer la masse tumorale, faire de la radiothérapie, mais comme pour tous les cancers, une fois que ça a fait des métastases ou que ça a dépassé l’organe de base, eh bien, la guérison devient un peu plus aléatoire et problématique.

Et quelles sont les personnes les plus vulnérables ? Parce que souvent, on voit, concernant le corps, on voit plus souvent des femmes …

Oui. Effectivement, bon, c’est une pathologie plus fréquemment de la femme parce que, bon, la cause la plus fréquente, ce sont les causes auto-immunes. Et on sait que l’auto-immunité, pour toutes les maladies d’air, ce sont les femmes que ça prend le plus souvent. Donc, qu’il s’agisse de la maladie de base d’eau ou du Hashimoto, eh bien, c’est effectivement plus fréquemment que ça prend la femme. Mais quand ça prend l’homme ou l’enfant, c’est plus sévère, c’est plus grave. Donc, la notion de vulnérabilité dont vous parlez est à mettre en relief, quoi. C’est très fréquent chez la femme, mais pas forcément grave. Ça peut guérir très facilement. Quand ça survient chez la proportion de la population où ça vient rarement, quand ça vient, c’est plus grave généralement. Donc, chez l’homme et chez les enfants.

 Est-ce que c’est une maladie mortelle ?

Si c’est une maladie qui n’est pas prise en charge tôt, qui va vers des complications, que ce soit l’hypothyroïdie, quand on fait une commande hypothyroïdienne ou une commande mixte des  »menteux », on peut en mourir. Quand on ne traite pas l’hyperthyroïdie et qu’on fait des complications cardiaques, ce qu’on appelle la cardiothyréose, le cœur qui bat la chamade, une défaillance cardiaque, on peut en mourir, comme pour toutes les attentes cardiaques. Mais véritablement, la mortalité est très faible parce qu’en général, il y a des signes qui font que les patients sont obligés d’aller consulter. Et même les complications, quand c’est vu tôt, eh bien, on peut les juguler. Rarement, ça va être à l’origine d’un décès directement.

Quel est le spécialiste qu’il faut viser pour un traitement, un diagnostic d’abord précoce et ensuite un traitement précoce ?

Les maladies de la thyroïde concernent la spécialité qu’on appelle l’endocrinologie. Bon, donc ça concerne, comme si on disait, l’endocrinologue. Cependant, comme pour toutes les maladies, le médecin généraliste a sa place. Même l’infirmier ou la sage-femme a sa place pour détecter des choses, pour orienter. Le médecin généraliste peut aussi orienter, peut faire un certain niveau de diagnostic, peut traiter certaines choses. C’est comme si on dit hypertension artérielle. Si on voulait que toutes les hypertensions artérielles puissent être traitées, soit traitées par des cardiologues ou des néphrologues, on ne s’en sortirait pas. Donc pareil aussi pour les infections de la thyroïde. Le médecin généraliste est formé pour en faire le diagnostic quand c’est simple, commencer un traitement, etc. Mais effectivement, dans l’idéal, ou s’il faut faire une exploration plus poussée pour mettre la main sur une étiologie qui n’est pas très évidente, c’est l’endocrinologue qu’il faudrait voir.

Comment prévenir cette maladie ?

Il faut savoir que les maladies de la thyroïde ont des symptômes, des manifestations qui sont non spécifiques. C’est-à-dire quelqu’un qui maigrit ou qui se fatigue ou qui dort mal, qui dort trop, qui ne dort pas bien, qui a de la constipation ou qui a de la diarrhée. Vous voyez que ce sont des signes que l’on peut rencontrer dans beaucoup d’autres infections. Donc, le conseil, c’est à chaque fois de penser à la possibilité de la prévention. C’est-à-dire la possibilité d’une maladie thyroïdienne lorsqu’on a des signes un peu bizarres, entre autres étiologiques. Parce que le risque, c’est de voir, par exemple, le gastro, le cardio, voire plusieurs spécialistes. Si on ne pense pas à la thyroïde et que l’analyse simple de dosage de la thyroïd-stimulante-hormone, la TSH, n’est pas faite, on peut avoir un retard pour faire le diagnostic. Penser, avoir le dosage de la TSH, c’est très facile parce que c’est un examen relativement simple et très discriminant, qui va tout de suite nous dire, est-ce qu’il y a une dysfonction de la thyroïde ou non. Si c’est le cas, on pose des explorations. Si c’est normal, a priori, on peut s’arrêter et chercher autre chose.

 Est-ce qu’il y a un type d’alimentation qu’il faut adopter quand on a le goitre ?

Non ! Aussi bien à l’étape de la prévention qu’à l’étape du traitement, il faut une alimentation équilibrée. Parce que la seule maladie thyroïdienne qui était en rapport avec l’alimentation, c’était avec le manque d’iode, ce qu’on appelait le goitre endémique. 

Yandé Diop

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